Le 25 septembre 1915, le 1er corps d'armée colonial (C.A.C.) - 2ème et 3ème division d’infanterie coloniale - formait l'aile droite de la IIème. armée, il était encadré à gauche par le 20ème corps d'armée (C.A.), à droite par le 10ème corps d'armée (C.A.), appartenant à la IIIème armée. Il devait se porter dans la direction généraIe de Vouziers, mais l'objectif plus immédiat qui lui était assigné était l'enlèvement de la Main-de-Massiges et de ses abords.
La Main-de-Massiges, située entre le ruisseau de l'Etang et la Dormoise est constituée par un plateau crayeux dénudé, orienté sensiblement nord-ouest / sud-est et dont les points culminants sont la cote 199 au nord et la cote 191 qui domine le village de Massiges. Tandis qu'au nord, il présente une longue arête qui surplombe la vallée de la Dormoise par une haute falaise, ce plateau s'étale en pente <douce' vers le sud-ouest, découpé par une série d'étroits et profonds ravins divergents qui lui donnent l'aspect d'une main aux doigts écartés, et' s'arrête brusquement au bord même du ruisseau de l'Étang par un ressaut d'environ une quarantaine de mètres. Vers l'est, la Main Massiges se termine par une pente très douce; très uniforme, aux environs de Ville-sur-Tourbe. Les pentes de la côte 191 vers la Tourbe au sud et vers Ville-sur-Tourbe à l'est, constituent de véritables glacis, sans le moindre ressaut, sans le moindre couvert. Vers l'ouest, le plateau de la Main-de-Massiges se raccorde au plateau de Maisons-de-Champagne, avec lequel il enserre l'étroite vallée du ruisseau de l'Étang. Ce plateau de Maisons-de-Champagne s'étale également vers le sud et est découpé de. Nombreux ravins. Il est séparé de la croupe 180-Beauséjour par un étroit couloir, sur lequel il se termine par un ressaut d'environ une vingtaine de mètres.
A la fin de juillet, les 4 brigades du 1er C.A.C. avaient été mises à la disposition du 16ème, du 15ème et du 4ème C.A. pour l'exécution de travaux d'aménagement du terrain, mais, entre le 10 et le 15 août, le C.A.C., reconstitué, relevait les 15ème et 16ème corps d'armée et occupait son futur front d'attaque entre l'Aisne et le saillant inclus formé dans les lignes françaises au nord de la cote 180 (nord de Minaucourt), par le ravin de 143 et le ruisseau de l'Étang.
Les réglages d'artillerie avec coopération de l'escadrille C/15 commencent au début de septembre; la préparation, entamée le 22, se continue les 23 et 24; l'artillerie allemande riposte assez faiblement; le 25, à 9 h15, l'attaque se déclenche; malheureusement, un brouillard épais, puis une pluie fille allaient empêcher toute observation et gêner dans de très fortes proportions l'aide que notre infanterie pouvait espérer de son artillerie.
Objectifs de l’assaut de le 2ème D.I.C.
Le dispositif de départ de la 2ème division d'infanterie coloniale (D.I.C), composée de la 4ème brigade d’infanterie coloniale (B.I.C.) composée du 4ème et 8ème régiments d’infanterie coloniale (R.I.C.), et de la 6ème B.I.C. composée du 22ème et 24ème R.I.C. est le suivant : 3 attaques concentriques seront dirigées vers le sommet de la Main-de-Massiges, par l'index, le médius, l'annulaire. L'index est l'objectif du 22ème R.I.C. (qui doit maintenir sa liaison avec les troupes du 20ème. corps d'armée), marchant sur le bois en Demi-Lune, puis sur Maisons-de-Champagne. Mais on remarquera combien précaire devait être cette liaison dès le début du combat, puisque la droite du 20ème C.A. et la gauche du 1er C.A.C. avaient 2 directions d'attaque nettement divergentes. Sans doute, le 22ème R.I.C. doit flanquer sa gauche par une unité spécialement désignée, et, en outre, redresser son axe de marche vers le nord dès qu'il aura conquis l'index, mais les circonstances du combat peuvent amener et amèneront un vide entre les 2 corps d'armée, qui sera constitué par la haute vallée du ruisseau de l'Étang, et le pouce de la Main-de-Massiges.
Le médius doit être enlevé par un groupement composé du 8ème R.I.C., assurant la liaison avec le 22ème R.I.C., et un bataillon du 24ème. R.I.C., tandis que le 4ème. R.I.C., appuyant sa droite au chemin creux de Massiges, s'emparera de l'annulaire.
Dans chaque secteur de division, un ou plusieurs bataillons sont réservés à la disposition des généraux commandant les brigades ou les divisions.
Le 16ème C.A., qui, primitivement, était rassemblé en réserve d'armée au nord-ouest de Valmy, reçoit l'ordre de détacher la 32ème D.I. à la disposition du général commandant le 1er C.A.C. La 32ème D.I. s'échelonne par brigades successives (la 64ème : 15ème et 143ème R.I. en tête, puis la 63ème: 53ème et 80ème R.I.) en arrière de la 2ème D.I.C, de manière à pouvoir exploiter sur-le-champ l'enlèvement de la Main-de Massiges. A l’heure H, les éléments de tête de la 64ème brigade doivent être à hauteur de la voie romaine passant au sud de Wargemoulin, et prêts à suivre, par les grands boyaux d'adduction, le 88ème territorial qui, lui-même, doit «coller » aux troupes d'attaque.
L'assaut de la 2ème D.I.C., le 25 septembre
Les vagues, successives de la 2ème D.I.C. franchissent le ruisseau de l'Étang, au pas, presque alignées, et sans grandes difficultés; mais I'action d'un certain nombre de mitrailleuses que notre artillerie n'a pu détruire se fait sentir dès que les assaillants abordent les pentes de la Main-de-Massiges. Notamment, une mitrailleuse située dans la partie sud-ouest du médius cause de très fortes pertes et surtout parmi les cadres, aux éléments du 22ème R.I.C. escaladant l'index. Et cette pièce ne cessera son feu que lorsque tous les servants auront été désarmés dans un combat corps à corps par les unités du bataillon du 24ème R.I.C., attaquant le médius. Cependant, l'index peut être considéré comme acquis vers 15 h. Mais le commandant ce régiment a dû mettre à sa disposition successivement ses unités réservées, et particulièrement celles qui devaient, en marchant sur le pouce de la Main-de-Massiges, contribuer à assurer la liaison entre le 1er C.A.C. et le 20ème C.A..
Pendant ce temps, le 20ème C.A., après avoir enlevé les ouvrages au nord du ravin de 143 (bois Fer-de-Lance, bois en Demi-Lune), atteint les abords sud de Maisons-de-Champagne.
Le commandant la 6ème B.I.C., donne alors pour mission à 2 bataillons du 24ème R.I.C. de boucher le vide qui s'est créé entre les 2 corps d'armée. Mais il faut, tout d'abord, faire relever par le 88ème territorial le 24ème R.I.C. sur les positions de départ de la 2ème D.I.C, et cette opération exigera plusieurs heures. Aussi, ce n'est que vers 16 h qu’un bataillon du 24ème R.I.C. aborde le pouce de la Main-de-Massiges, et l'enlève sans trop de pertes. Toutefois, et surtout en raison de la nuit, la progression est arrêtée sur les pentes sud-ouest de la cote 199 (mont Têtu).
Le groupement d'attaque du médius enlève son objectif pied à pied, tandis que, sur l'annulaire, le 4ème R.I.C. est bientôt obligé, en raison de ses pertes, de cesser le combat à découvert, et de s'emparer à la grenade et successivement des éléments de boyaux et de tranchées, où l'ennemi oppose une résistance farouche.
La 32ème D.I. a suivi le mouvement du 88ème territorial, l'a dépassé et est ainsi répartie en fin de journée:
- la 64ème brigade a un régiment (15ème R.I.) au sud du pouce de la Main-de-Massiges, en arrière et à droite du bataillon du 24ème R.I.C. L'autre régiment (143ème R.I.) est dans la partie inférieure du ruisseau de l'Etang.
- la 63ème brigade est rassemblée au sud du Promontoire.
Pour appuyer l'action du 20ème C.A. sur l'ouvrage de la Défaite (est de Maisons-de-Champagne), et pour lier l'action du 1er C.A.C. à celle du 20ème C.A., le général commandant le 1er C.A.C. a donné, à 14 h55, à la 32ème D.I., l'ordre d'attaquer dans la direction générale du mont Têtu (cote 199). Mais cette attaque n'a pu se produire dans la soirée du 25, en raison de l'heure tardive à laquelle parvient l'ordre aux exécutants.
En résumé, malgré une violente préparation d'artillerie de 3 jours et malgré de très lourdes pertes, le 1er C.A.C. n'avait pu atteindre sur tout son front les objectifs fixés.
Dans la nuit du 25 au 26, le général, commandant la IIème armée, ordonnait de continuer l'offensive; l'effort du 1er C.A.C. devait surtout porter sur sa gauche, où le succès avait été le plus considérable, et où l'occupation des hauteurs du mont Tétu nous permettrait de prendre à revers les lignes ennemies devant Ville-sur-Tourbe et obligerait les Allemands à rompre le combat.
Le 26 septembre, la 32ème D.I. attaque dans la matinée avec la 64ème brigade (la 63ème étant maintenue en réserve de corps d'armée); le 15ème R.I., suivi du 143ème, enlève le boyau de Moltke (longue tranchée établie face au sud-ouest sur les revers ouest du mont Têtu et de la Verrue), y fait de nombreux prisonniers et atteint vers 16 h les pentes sud de la crête du mont Têtu. La 2ème D.I.C., après une lutte très violente, s'empare, à 15 h, de la Verrue, et y prend plusieurs centaines d'Allemands.
L'attaque reprend le 27. La 32ème D.I. attaque dans la direction générale de la ferme Chausson, avec comme premier objectif, le bois Marteau. La 6ème B.I.C. les bois de la Chenille, au sud-est de la ferme Chausson, tandis que la 4ème B.I.C. achève la conquête du plateau de la Verrue pour faciliter la progression de la 3ème D.I.C., qui doit progresser vers sa gauche, vers le creux de l'Oreille.
Pendant ce temps, le 20ème C.A. attaque sur l'ouvrage de la Défaite (croupe nord-est de Maisons-de-Champagne).
Les attaques des 32ème D.I. et 20ème C.A., non simultanées, échouent. La 4ème B.I.C parvient à la bordure sud du creux de l'Oreille.
Le 28 septembre, la 4ème B.I.C. reprend son attaque; à 13 h, les allemands battent en retraite, abandonnant 2 canons, un nombreux matériel et près de 300 prisonniers; mais, à gauche, la 32ème D.I. et la 6éme B.I.C. échouent devant le bois de la Chenille. L'ennemi a su, en moins de 4 jours; créer de toutes pièces une position de résistance très solide sur la crête entre Maisons-de-Champagne et le bois de la Chenille.
Cependant, sur l'ordre du général commandant l'armée, le 1er C.A.C. se prépare à reprendre l'attaque; elle est infructueuse comme celle du 20ème C.A.; seule la 3ème B.I.C. parvient, les 29 et 30 septembre, à enlever à la grenade les deux premières lignes allemandes.
L'offensive n'était pas encore terminée. Les premiers jours d'octobre sont consacrés à l'aménagement du terrain, au creusement de nouveaux boyaux, de nouvelles places d'armes et de nouveaux parallèles de départ; un groupe de 1000 cavaliers à pied est mis à la disposition de 3ème D.I.C.
Le 6 octobre, après une préparation d'artillerie de 2 jours, plus faible que celle de septembre, car plusieurs batteries lourdes ont quittées le secteur, l'attaque se déclenche; il faut rejeter l'ennemi de la crête comprise entre Maisons-de-Champagne et le bois Chausson, et se rendre maîtres de tout le réseau de tranchées allemandes s'étendant entre la crête sud-est de la ferme Chausson et la route de Sainte-Menehould à Vouziers.
La 39ème D.I. s'empare de l'ouvrage de la Défaite, à l'est de Maisons-de-Champagne, la 32ème D.I. parvient à la ferme Chausson; le 24ème R.I.C. occupe l'éperon situé à l'extrémité est du bois de la Chenille; mais le brouillard, épais, ne permet pas à notre artillerie de suivre le mouvement de notre infanterie; les unités du 23ème R.I.C., arrêtées dans leur mouvement en avant, et même contraintes à un recul par suite du tir de nos canons, sont mitraillées par les Allemands; la 3ème D.I., découverte, perd la ferme Chausson et la 39ème division d'infanterie l'ouvrage de la Défaite. Cette journée nous coûtait 1.200 hommes, dont plus de 600 appartenant au 24ème R.I.C.
La bataille de champagne était terminée pour le 1er C.A.C.
Le résultat espéré n'avait pas été atteint. Si le 1er C.A.C. avait enlevé les hauteurs de la Main-de-Massiges et fait près de 2.000 prisonniers, il avait payé cher ce succès par la perte de 8 000 h. et des 2/3 de ses officiers supérieurs. Pendant tout le mois d'octobre, il va organiser le terrain conquis, soumis au feu violent d'une artillerie qui a été considérablement renforcée et lui cause journellement de grosses pertes. Puis l'ennemi redevient agressif; il cherche à reprendre le terrain perdu; le 30 octobre une attaque allemande partant du bois Marteau et accompagnée d'un violent bombardement échoue devant nos mitrailleuses.
Le 3 novembre, l'ennemi attaque le mont Têtu; grâce à l'emploi de flammenwerfen, utilisés pour la première fois, il s'empare du sommet de la position, mais en est chassé dans la soirée par les grenadiers du 8ème R.I.C. Il renouvelle son attaque le 4, la réussit et repousse toutes les tentatives de reprise du 4ème R.I.C.
La 6ème B.I.C., au repos à Courtemont, est appelée, et, dans la journée du 5, réussit, après des combats d'une extrême violence, à reprendre une partie de nos anciennes lignes; du 30 octobre au 6 novembre, la 2ème D.I.C. avait perdu 600 hommes.
Le 1er C.A.C. était épuisé. Il est transporté dans la région de Vitry-le-François, puis dans celle de Meaux et ensuite au camp de Crèvecoeur.
Dix trébéens y laissèrent le vie et nombreux y furent blessés. Le plus jeune n'avait pas 20 ans et le plus ancien, plus de 38 ans
- Pascal CAHUC, né le 28 avril 1881, marsouin au 42ème R.I.C., est tué à l'ennemi le 7 (ou 8) septembre 1915 durant les travaux de préparation de l'offensive à Souain (Marne).
- Léon BLATGE, né le 9 avril 1881, marsouin au 42ème R.I.C., est tué à l'ennemi le premier jour de l'offensive, le 25 septembre 1915 à Souain (Marne).
- Louis FRAISSE, né le 27 octobre 1881, marsouin au 22ème R.I.C., est tué à l'ennemi le premier jour de l'offensive, le 25 septembre 1915 à Massiges (Marne).
- Louis HEUILLET, né le 30 avril 1888, soldat au 53ème R.I., est tué à ennemi le premier jour de l'offensive, le 25 septembre 1915 à Moronvilliers-Aubérive (Marne).
- Pierrre AZAM, né le 7 septembre 1895, soldat au 415ème R.I., est tué à l'ennemi le le second jour de l'offensive, le 26 septembre 1915 à Perthes-les-hurlus (Marne).
- Ernest LAGUILLE, né le 26 février 1886, soldat au 153ème R.I., est tué à l'ennemi le troisième jour de l'offensive, le 27 septembre 1915 à Maisons-de-Champagne (Marne).
- Paul BOURREL, né le 27 juillet 1887, soldat au 80ème R.I., est tué à l'ennemi le 6 octobre 1915 à Massiges (Marne).
- Théodore FERRED, né le 20 avril 1888, soldat au 80ème R.I., est tué à l'ennemi le 6 octobre 1915 à Tahure (Marne).
- Pierre Paul DURAND, né le 14 janvier 1877, soldat au 228ème R.I. est tué à l'ennemi le 11 octobre 1915 à Tahure (Marne)
- Louis TROMPETTE, né le 10 mars 1882, marsouin au 4ème R.I.C., est tué à l'ennemi le 6 novembre 1915 à Massiges (Marne).