Charles Joseph GUIRAUD 1896/1915

Charles Joseph, fils de Jules et d’Amélie SABLAIROLLES, est né le 14 février 1896 à Trèbes, commune située à 6 km à l'est de Carcassonne. Son emplacement stratégique sur la route entre la Méditerranée et l'océan Atlantique est connu depuis le néolithique. La ville se trouve dans un couloir entre montagne Noire au nord, Corbières au sud-est, et la vallée de l'Aude au sud. Sa superficie est de 16 km² ce qui en fait une grande commune pour le départe-ment de l'Aude. Ses voisines sont Berriac, Bouilhonnac et Villedubert. Elle est peuplée de 1100 habitants en 1793, 1850 en 1893 et  près de 2000 trébéens et trébéennes en 1914. Traversée par le canal du midi, au cœur d’une région viticole, son port a été très actif.

 

Son père y est déjà né. Il est cultivateur, journalier, puis, vers 1900, il devient appariteur et sa mère couturière. Petit dernier famille de 3 garçons, il passe son enfance au pied du clocher de l’église Saint-Etienne et après quelques années sur les bancs de l’école, il fait son apprentissage de cultivateur. Résidant chez ses parents, c’est le métier qu’il exerce à Trèbes lorsqu’il s’engage à la mairie de Narbonne le 24 septembre 1914. Il a 18 ans et demi. Son n° matricule au recrutement est le 112/Narbonne. Il est probablement célibataire lorsqu’il s’engage.

 

Il décède un an après, le 28 septembre 1915 à Souchez (Pas de Calais).    


Charles devance l’appel et s’engage volontaire pour 4 ans, le 24 septembre 1914 (après la mort de son frère, mais le sait-il déjà ? Il vient de fêter ses 18 ans) à la mairie de Narbonne pour le 17ème R.I. (par fidélité à l’ancien régiment de Béziers et à ses révoltés de 1907). Son matricule est le 112 et il arrive au régiment le 26 septembre. Le dépôt de ce régiment est à Epinal en 1914. Il appartient à la 25ème B.I./13ème D.I./21ème CA.

 

Après une période de formation, Charles rejoint son régiment au front (peut-être le 14 novembre ?)

 

Le 17ème R.I. a déjà  participé aux opérations des Ière et IIème Armée dans les Vosges (Saint-Blaise, la Chipotte, col du Donon, Signal de Russ, Barembach) puis sa retraite l’a conduit, par Badonviller, à Raon-l’Etape. Il a participé à la bataille de la Marne du 5 au 13 sept. dans la région de Sommepuis. Le régiment stationne en Champagne et plus précisément à Souain jusqu’à la fin du mois de septembre. De là il a été transporté au Nord d'Arras, le 3 octobre 1914, le 17ème prend part alors, et pendant 14 mois à la plupart des combats menés dans cette région. Il se porte sur Lille et livre un furieux combat à Helennes qu'il enlève aux Allemands, puis va s'illustrer devant Lens et Liévin.

 

Aix-Noulette, Ablain-St-Nazaire, N-D-de-Lorette, la Crête de Vimy, Souchez, le Bois-en-H, ont été témoin des luttes des fantassins du 17ème. Ici, c'est la boue qui règne, enlise les guetteurs, empêche tout mouvement. Collé au sol par la glaise, le fantassin ne peut bouger; souvent l'eau gèle autour de ses jambes. Il faut geler là, mourir là. La fusillade infernale n'arrête ni jour, ni nuit. La boue happe les blessés. Et cependant, ces hommes attaquent tous les jours, repoussent un peu plus loin l'ennemi, finissant par le dominer.    

 

 

Pendant tout l'hiver, il améliore ses positions, pose des fils de fer, renforce toute l'organisation défensive. La parole est à l'outil. C'est aussi à ce moment que se forment les premiers grenadiers.

 

Du 9 au 11 mai 1915, le 17ème attaque vers la crête d'Ablain-St-Nazaire et subit de lourdes pertes. Les 1ères lignes d'abord progressent, sans éprouver trop de pertes, mais l'artillerie ennemie ouvre un feu très violent, et de nombreuses mitrailleuses de flanquement rendent la position intenable. De plus, l'ennemi, refoulé dans les sapes, organise des barrages solides, d'où il lance une profusion de grenades et d'engins de tranchées, qui font beaucoup de mal. Les compagnies de renfort prises sous un violent feu sont hors d'état de pouvoir lancer une attaque. Les 7ème et 8ème cies, puis la 11ème et la 12ème, puis les 1ère et 2ème sont successivement engagées, mélangées aux Chasseurs. Un Adjudant, après avoir conquis 2 lignes de tranchées, entraîne un groupe d'hommes à l'assaut de la 3ème ligne, assurant ainsi le succès de l'attaque. Un sous-lieutenant est mortellement frappé, après avoir abattu, de sa main plusieurs fantassins ennemis. Le Capitaine de la 8ème cie se distingue particulièrement. Dans la nuit du 9, deux groupements sont formés; le 1er, dont font partie les 1ère, 2ème, 8ème, et 12ème Cies du 17ème et deux de mitrailleuses, s’organise, il est mis un peu d'ordre dans les unités mélangées. Les Allemands contre-attaquent de nuit à la grenade, mais grâce à l'action de la 1ère Cie, la parallèle Bruckert est maintenue intacte.

 

Le 10 mai, les 1ère, 2ème et 12ème Cies gagnent un peu de terrain, s'emparent de la Sape n°3. Le 11 à 14 h, une nouvelle attaque est déclenchée sous un bombardement intensif. Le commandant est tué en donnant le signal de l'assaut. Un capitaine prend le commandement, mais les progrès sont lents et peu sensibles. Le 11 mai, le 2ème groupement (3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 9ème et 10ème Cies du 17ème, 5 compagnies du 20ème B.C.P. et un Bataillon du 21ème R.I.) se portent en avant, font des prisonniers, infligent de lourdes pertes à l'ennemi qui se replie sur Ablain. L'officier allemand commandant le secteur est pris dans son abri. Du 12 au 20 mai, les progrès sont maintenus malgré tous les efforts de l'adversaire. Ces attaques de mai 1915 ont coûté 232 tués, 677 blessés, 205 disparus, tués ou abandonnés entre les lignes. Malgré les pertes subies, le régiment attaque à nouveau du 5 au 9 juin, puis le 19 et 20 juin.

 

Ces opérations de mai et juin 1915 ont crevé les lignes ennemies. Lille est menacée. Peu s'en est fallu qu'une victoire complète ne vint récompenser le courage des assaillants et leur persévérance. Les Allemands avoueront, eux-mêmes, qu'ils ont eu peur d'une défaite grave. 

 

 

 

 

Le 25 septembre, nouvelle attaque. Le 17ème RI d'abord en réserve est presque aussitôt engagé, bataillon par bataillon. Les 5ème et 6ème Cies attaquent le bois en Hache successivement, mais sont décimées dès le départ. La 7ème Cie se forme, à son tour, en avant et entraînant dans son élan les débris des 5ème et 6ème Cies, atteint son objectif, mais au prix de lourdes pertes (10 officiers pour le 2ème Bataillon). Un sous-lieutenant est mortellement frappé, alors qu'il suivait l'action, en observant à la jumelle. Un autre, bien que dangereusement atteint, refuse de se faire soigner, afin de ne distraire personne de l'attaque.

 

 

 

Le 28 septembre, le 3ème Bataillon, celui de Charles, attaque, s'empare d'une tranchée sur la côte de Givenchy et fait une centaine de prisonniers. Charles GUIRAUD est tué à l‘ennemi lors de cette attaque. Il n'avait pas encore 20 ans.

 

 

 

 

Le 11 octobre, le 1er Bataillon enlève deux lignes de tranchées et fait environ 160 prisonniers, puis repousse toutes les contre-attaques. Un peloton de pionniers enlève brillamment leur objectif, en faisant 60 prisonniers et, bien qu'ayant perdu la moitié de l'effectif, ils se maintiennent dans les tranchées conquises. Un soldat fait prisonniers, à lui seul, 3 officiers et 11 soldats, puis repousse, à la grenade, l'ennemi qui progressait. A partir de cette époque, le Régiment ne fait plus que tenir le secteur, jusqu'au 19 décembre, date à laquelle il est définitivement relevé de la région.    

Le 8 octobre 1914, le 17ème s'empare de la Fosse Calonne. Le 24 octobre, le 1er bataillon est reformé à 2 compagnies, ses pertes étant tellement importantes. Il ne sera définitivement reconstitué à 4 compagnies que le 14 novembre avec l’arrivée des renforts arrivant du dépôt. Peut-être Charles est-il de ces nouveaux arrivants. Le 26, le 2ème bataillon exécute une attaque partielle bien appuyée par 2 groupes d'artillerie et une compagnie de Chasseurs, et occupe une crête entre Bully et Aix-Noulette, à 150 m de nos lignes de départ.

 

Le 28, ce bataillon avance encore de 200 m à la tombée de la nuit. Il progresse à nouveau, le 4 novembre, avec une ténacité remarquable et travaille sans relâche à améliorer sa position. Dans le secteur de la Fosse Calonne, le 3ème bataillon se porte également en avant, par bonds successifs et organise le terrain conquis.

 

Le 17 décembre, le 17ème progresse dans le bois «des Boches» et entre les routes d'Arras et de Bully à Liévin.    

Après ces opérations vint une autre série d'attaques. Les 18 et 19 août, le régiment mène un furieux combat. Il attaque, s'empare en certains points de plusieurs lignes de tranchées. La 2ème cie, entraînée par son capitaine, pointe en avant, atteint la route d'Arras. Par malheur, à ce moment, il est tué. La 1ère Cie soutient l'attaque de la 2ème, s'empare d'un fortin entouré de fils de fer intacts, et fait de nombreux prisonniers. Le peloton des grena-diers du 1er Bataillon, s'élance à l'assaut, aux cris de «Vive le 17ème ! En avant. !». Dans cette action, un adjudant, lors d’un combat de grenades et bien que placé en terrain découvert, reste constamment debout, sous le feu de l'adversaire, et encourage ses hommes à la voix et à son exemple. Un soldat reste 3 jours et 4 nuits, entre les 2 lignes et parvient à rentrer dans les siennes. Un capitaine, après avoir donné l'assaut, atteint et dépasse son objectif et tombe grièvement blessé. Un autre capitaine, téméraire, est tué, alors qu'à la tête de sa compagnie, il allait renforcer une unité de 1ère ligne. Tous défendent avec acharnement les tranchées enlevées. Un soldat meurt en disant: «Ça ne fait rien, je meurs content, j'ai fait mon devoir !» Un autre, blessé mortellement dit à son chef: «Je suis blessé mortellement, j'ai encore une heure à vivre, mais si vous avez besoin de moi, je resterai quand même.» Un soldat s'empare d'un barrage ennemi, puis s'élance à la tête de ses camarades en criant: «Hardi les gars, ne vous arrêtez pas !». Malheureusement, l'ennemi s'est ressaisi, il contre-attaque avec fureur et parvient à regagner une partie du terrain perdu, mais au prix de fortes pertes, les Allemands contre-attaquant avec de gros effectifs. Cette action avait complètement épuisé le régiment qui avait subi de grosses pertes, mais forcé l'ennemi à reculer et à engager des effectifs importants, pour sauver la situation. Les attaques partielles sont condamnées. 

Extrait du JMO du 17ème RI, à la date du 28 septembre 1915,

Il est plus que laconique et en contradiction avec toutes les notes de service

réglementant l’usage des JMO



Charles Joseph GUIRAUD est tué à l’ennemi, lors d’un assaut à l’ouest de Souchez (Pas de Calais), sur la côte de Givenchy (communes de Souchez et Givenchy). Il venait d’avoir 19 ans. C’est le plus jeune des trébéens morts pour la France.

 

Il est inhumé dans la Nécropole Nationale de N.D. de Lorette (Ablain St Nazaire) dans une tombe individuelle située carré 55, rang 7, n°11132

Son décès, qui est porté dans le registre d’état-civil de la commune de Trèbes à la date du 30 décembre 1915.

 

Son nom est gravé sur le Monument aux morts de Trèbes.